Transition de genre ou pas ???
"Est ce une transition de genre ce que je vis ?
Je
ne me suis jamais senti homme mais je ne me sens pas non plus femme, du
moins au sens bio et largement stéréotypé qu'on lui donne. Un peu comme
Pat Califia en a fait le constat malgré son opération. Elle a
d'ailleurs, bien que transsexuelle opérée et reconnue officiellement
comme femme, était elle aussi dénoncée par beaucoup pour n'avoir pas
voulu épouser cette doxa de "l' âme de femme emprisonnée dans un corps
d'homme".
Est ce un abandon de genre ?
Pendant
40 ans j'ai tenté de correspondre au genre que la logique binaire
voulait m'imposer. Non sans succès, affectifs et socio-professionnels.
Par ma tenue, ma personnalité, mes choix de vies, etc. On me prenait
vraiment pour un homme. Bonjour les stéréotypes. J'avais l'impression
de jouer un rôle qui ne me correspondait aps. De me trahir et de
cacher au fond de moi quelque chose de honteux. Cet abandon de genre
passe aujourd'hui par l'abandon du maximum de ce qui m'attache de façon
insupportable au genre masculin. Aujourd'hui les gens de la rue ne sont
plus si sûrs de mon genre et les "madame" deviennent aussi fréquents
que les "monsieur", même avec une tenue masculine et sans maquillage. A
quel genre j'appartiens dès lors que l'on ne sait plus m'imputer aussi
facilement le genre masculin, genre dans lequel je ne me reconnais
pas...
Est ce plutôt un accommodement avec le genre ?
Bien
sûr que oui. C'est la meilleure façon que j'ai trouvé pour ne plus
subir la dictature du genre qui s'imposait à moi, étant né garçon bien
que désiré et pensé fille par mes parents.
Bien que n'ayant pas
envie de me plier à la dictature du genre dans son versant féminin ou
transsexuel, j'ai quand même choisi d'être le/la plus féminine possible
au quotidien. Une pomme d'Adam invisible, peu de pilosité, pas de
calvitie (au contraire), des traits qui ne se sont jamais endurcis
depuis l'adolescence, des articulations et des mains petites et fines,
autant d'atouts pour ce "glissement" de genre qui furent aussi au coeur
des questions de genre que je me suis posé pendant 40 ans.
Mon
protocole personnel dans cette situation ? Je suis passée au laser
médical pour le visage (ça marche super bien). J'ai la chance d'avoir
une petite poitrine qu'un redresse sein valorise suffisamment à mon
goût. Je me maquille et m'habille fémnine quand je veux et avec la même
liberté que n'importe quelle femme bio, je peux aussi bien adopter un
look plus masculin selon les circonstances. Seules certaines femmes bio
se sentent obligées d'être toujours les plus féminines qu'elles
puissent l'être... Certains amis me dsent "elles", d'autre "il". Et mon
prénom de baptême (Robin), que je n'ai pas voulu changer pour celui que
mes parents m'auraient donné à la naissance (Violette), me conveint
très bien dès lors qu'il est pronnoncé l'anglosaxonne. C'est d'ailleurs
un prénom mixte aux USA...
Du reste, concernant cet "accomodement de
genre", je pense qu'il est aussi ce que vit tout le monde, quel que
soit le sexe, le genre ou l'orientation sexuelle. TOuut le monde
s'adapte et fait plus ou moins évoluer la société pour ne pas devoir
faire un trop grand écart entre le genre d'assignation et le ressenti
personnel par rapport à ce que ce genre implique dans l'état actuel de
cette société qui enferme chacun dans des jeux de rôles liés au
genre... Un chapitre à développer...
Que me manquerait-il alors pour qu'on parle de transition de genre ?
Les
hormones ? Pour avoir de plus gros seins que je ne souhaite pas ? Pour
avoir un visage encore plus fin alors que j'aime aussi ce que certains
traits masculins peuvent donner à des visages de femmes bio une beauté
troublante et néanmoins souvent féminine... ? Pour prendre le risque
d'être malade ?
Un vagin fabriqué artificiellement ? J'ai la chance
d'avoir un pénis qui fait la joie de mes partenaires qui se découvrent
lesbiennes avec moi, sans que je doive utiliser un gode pour agrémenter
nos plaisirs. Pourquoi je me débarrasserai de cet organe qui ne me
dérange pas, n'étant pas visible en public, il ne gêne pas la
perception du genre que je veux donner à autrui.
Des papiers
d'identité marqués "femme" dessus ? Combien vivent leurs périodes
d'avant la transition avec la conviction d'être ce qu'ils ou elles sont
sans en avoir la reconnaissance sociale et administrative ? Si l'on
vivait au Canada, je ferai sûrement la démarche de transition "de
papiers d'identité" pour me faciliter la vie. Mais d'un autre côté,
n'étant plus du tout convaincue de la pertinence de cette vision
binaire de 2 sexes impliquant 2 genres impliquant 2 sexualités, je ne
me sens pas motivée pour remuer ciel et terre pour ce genre de
changement aujourd'hui.
Le reconnaissance de mes "pairs"
trans-quelque chose ? Arf, sans doute que cela aiderait de sentir
tolérance et bienveillance autour de soi, de la part de celles et ceux
qui vivent finalement des problèmes très similaires, au moins dans
leurs prémices. Mais globalement, les mentalités évoluent, même dans
"notre" milieu et ce forum en apporte globalement le témoignage.
Pour conclure, je ne sais pas très bien si je dois parler de transition de genre autrement que par commodité de langage, et au bout du compte, à part par militantisme queer, je m'en fiche un peu à vrai dire... Lol"
Texte copié (avec autorisation) de Violette sur son Site Vache Queery